Le pèlerin, l'âne et le marchand

Fable sur la sincérité

Un brave pèlerin marchant sur route et chemins
Au rythme de son âne,
Croisa sur son parcours, nombre d’animaux,
Ainsi que curieux humains.
Dans sa besace, peu de choses,
Un pot de miel et une bougie,
Un fil et une canne.
Passant montagnes et ruisseaux,
Dans le silence de ses pensées,
Il ne vit pas le temps passer.
Aux abords d’un sentier, il croisa un marchand
Pleurant son malheur,
Détroussé par 3 voleurs.
L’homme, triste et démuni,
S’approcha du solitaire sans argent.
Le pèlerin lui tendit un peu de miel
Pour soulager ses blessures,
Puis murmura au creux de l’oreille
Une phrase à son âne.
Curieux dialogue, se dit le profane.
Même si le chemin est peu sûr,
Il accepta de voyager
Auprès de l’homme et de son âne bâté.
Plusieurs pas plus loin,
L’âne s’arrêta pour brouter foin.
Nulle réaction venant de son maître,
Le marchant perdit son calme.
« Allez-vous nourrir cet être
Sans arrêt sur le chemin ?
Car à cette cadence,
Nous arriverons seulement demain.
- Cultiver la patience
Est noble vertu.
Répondit l’inconnu.
Allumons un feu et contemplons la flamme. »
À nouveau, le pèlerin parla à son âne.
« Je ne veux pas en faire un drame,
Mais je me sens si triste
D’avoir perdu fortune,
Que même mes prières au Christ
Ont disparu sous le sabot,
Laissant espoir dans le ruisseau
Et tous rêves sans tribune. »
Dans le silence qui s’en suivi,
La marche vers le village reprit.
Le pèlerin, dans son sac soudain,
Mit les crottins laissés par son âne sur le chemin.
« Que fais-tu donc de cela, mon ami ?
- Je vais te dire trois vérités et un mensonge, ici.
Ensuite, je te conduirai chez toi. »
Intrigué, le marchant écouta l’ancien, dans le désir de foi.
« Mon âne est un grand sage et il me comble de richesses.
Ce qu’il laisse dans son sillage cache un diamant qui donne ivresse.
Son hennissement est sa manière de me montrer que tu ne dis pas vérité.
Ma maison est un royaume, mon désir est de t’y conduire.
Ton devoir est de pouvoir arriver, toi aussi, à t’en instruire.
Tout ce que tu possèdes, tu le dois à ta volonté.
Maintenant, trouve ma vérité et sois sincérité. »
Sous l’arbre, le pèlerin fit une pause, laissant son compagnon.
Le marchand curieux prit un instant pour mettre sa main dans la besace,
Sortant chaque crottin pour y trouver son gain et perdre grimace,
Rêvant déjà d’une vie sans haillon.
L’âne, dans un souffle, réveilla son maitre.
Le marchand se retourna et les mains encrottées, se livra à la colère.
« Tu ne dis que mensonges, dit-il au grand-père.
Point de fortune et de royaume,
Juste un vieux fou et un âne qui se moque des hommes.
- Je ne t’ai dit qu’un mensonge, mon ami, dans la sincérité de mon être.
Ma richesse est d’être conscient de la beauté de la vie.
Mon royaume est la manifestation de cette vie.
Mon âne est un sage qui m’enseigne le courage.
Ses crottins dans le feu, réchauffent mes vieux os quand l’hiver devient ombrage.
Croyais-tu que ton histoire de vol était crédible,
Alors que ceux qui t’ont molesté
N’avaient commis point de crime,
Mais simplement repris leur bien ?
Tu n’es pas celui que tu prétends et ne vis que du futile.
Avant de te croiser, mes amis m’ont raconté.
Tu ne leur as point fait gagner de prime.
Ton désir de fortune et de biens
T’on conduit à oublier le plus utile.
- Mais quel est donc le mensonge ?
- Je renonce à te conduire chez toi, car ce n’est pas mon chemin.
La convoitise donne naissance à l’avidité.
La sincérité engendre la confiance aux siens.
Quand dans un moment de folie, plus qu’un songe,
Tu penses trouver un trésor dans un crottin,
Ta vérité a autant de valeur que le pet d’un chien.
N’oublie jamais que toute vérité doit passer
Par un terreau de sincérité.
Si un pèlerin et son âne vous croisez,
Ne pensez pas qu’ils soient pauvres et démunis.
Ils sont plus que des amis.
Ils sont sincérité et vérité,
Cachées sous le manteau de l’humilité. »

Jean De La Fontaine

Reçu en séances de ouija
les 7 décembre 2021 et 7 octobre 2022

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